Focus sur Véronique Dassié

Peux-tu nous dire quels chemins t’ont menée à l’UMR Héritages ?

J’ai démarré mon cursus en anthropologie à l’EHESS de Toulouse, où j’ai découvert les travaux de Daniel Fabre qui est devenu mon directeur de thèse. Avec la création du LAHIC, les enjeux de l’institution des cultures sont devenus un axe important de mes réflexions sur les objets d’affection domestiques. En observant les réactions qui ont suivi la destruction du parc du château de Versailles après la tempête de décembre 1999, j’ai commencé à m’intéresser aux engagements en faveur des arbres et des forêts. Lorsque j’ai été intégrée au CNRS, il m’a semblé important de découvrir un autre environnement de recherche et j’ai alors rejoint l’IDEMEC, pionnier des travaux menés en ethnologie de l’Europe, sur les passions collectives et la culture matérielle. Les enjeux de transmission, d’héritage, de collectage, mais aussi les rencontres ethno-artistiques sont au cœur de mes recherches actuelles. Il y avait donc une évidence à rejoindre cette nouvelle UMR.

Tu coordonnes l’axe 1 qui s’intéresse notamment aux modalités de création d’un “commun” : comment la naissance de cet axe se passe-t-elle ?

La création d’une UMR est toute une aventure ! Nous sommes des chercheuses et chercheurs issus de disciplines très différentes, aux parcours éclectiques. C’est une découverte mutuelle. Chacun d’entre nous apporte des expériences qui nourrissent notre projet commun : analyser la manière dont les êtres sociaux font culture commune. À partir de matériaux et sur des thèmes différents, nous nous retrouvons dans les mêmes questions : qu’est-ce qui fait qu’à un moment donné des êtres peuvent créer du commun ? Quels rouages cela implique-t-il ?

Envisager la redéfinition de politiques culturelles à l’œuvre, les réflexions qui entourent la création d’un site touristique, les débats, voire les conflits que soulève un projet de labellisation, la manière dont un savoir est produit, l’élaboration d’esthétiques populaires – tout cela permet de considérer les multiples facettes de la production des “Communs”. Cela se déploie dans des pratiques très savantes (art, politique, savoir), mais aussi à travers des activités auxquelles tout le monde prend part à un moment donné (en appréciant un plat typique, en écoutant de la musique populaire, en s’amusant…). Il est important de rendre compte des articulations entre tous ces rouages de la production culturelle, d’en envisager la complexité. Un chercheur seul ne le pourrait pas ! De ce point de vue, nous sommes très complémentaires et c’est une véritable richesse de pouvoir s’appuyer mutuellement sur les travaux des uns et des autres.

Pour finir, peux-tu nous parler des terrains qui vous occupent en ce moment ?

Pour cette année de lancement, nous nous sommes donc lancé un défi commun : considérer, à travers nos travaux respectifs, la manière dont les sociétés articulent et hiérarchisent les choses qui constituent leur cadre de vie. C’est pourquoi nous proposons l’idée de “cultures environnementales”. La manière dont les ressources sont mises à contribution pour faire culture commune est explorée sur des terrains très divers au sein de l’axe. Cela va de la pratique du surf au groupe de punk « Les ramoneurs de menhirs », en passant par les fêtes gastronomiques, les mises en représentation de la chasse, l’organisation des JO à Paris ou encore les rituels antiques. J’en oublie ! De mon côté, j’aborde en ce moment le sujet sur le terrain, en observant la manière dont des propriétaires forestiers envisagent leurs arbres comme futurs bois de la charpente de la cathédrale Notre-Dame…

Entretien réalisé en juin 2021 par Vivien Barrière, maître de conférences en Histoire-Archéologie à CY Cergy Paris Université, chercheur et chargé de mission communication à Héritages.

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